Cette prise de position de médecins généralistes 1signataires en fin de page contre le projet d’extension de l’obligation vaccinale pour les nourrissons a été exprimée avant son adoption fin 2017. Elle a été adressée sous la forme d’une lettre ouverte à l’ensemble des députés et sénateurs, avec copie au premier Ministre, à la Ministre de la santé et au Président de la République.
Contexte
Le 4 décembre 2017, le projet de loi est adopté, onze vaccins sont désormais obligatoires :
Ces onze vaccins comprennent les vaccins contre la diphtérie (D), le tétanos (T) et la poliomyélite (P), obligatoires avant 2018, et également le vaccin contre la coqueluche (C), contre l’haemophilus (Hib)B et l’hépatite B (HépB). Ce n’est que depuis 2006, le CSHPF (Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France) a recommandé d’associer aux vaccins DTPCHib le vaccin contre l’hépatite B . Ces 6 vaccins sont regroupés au sein d’un vaccin multivalent dit « hexavalent » dont il existe deux versions commercialisées en France, la plus utilisée étant l’Infanrix hexa du laboratoire GSK, la deuxième étant l’Hexyon de Sanofi Pasteur.
Les onze vaccins comprennent aussi le vaccin contre les infections invasives à pneumocoque, le Prevenar13 du laboratoire Pfizer. Ce vaccin est dirigé contre 13 souches de pneumocoque, alors qu’il en existe une centaine. D’abord recommandé pour les groupes à risque au début des années 2000,par le CSHPF puis en vaccination universelle depuis 2006 .
Ces deux premiers vaccins, hexavalent et celui contre les infections invasives à pneumocoque, sont des vaccins non vivants, classés selon leur technique de production comme inactivés, particulaires, comme des anatoxines ou des vaccins protéiques recombinants et sont recommandés dans le calendrier vaccinal à 2 mois 4 mois et 11 mois de manière concomitante.
Il faut y ajouter 3 vaccins à virus vivants atténués contre la rougeole , la rubéole et les oreillons, associés dans un vaccin multivalent, qui sont recommandés à 12 mois et dont une deuxième dose est recommandée depuis 2005. D’après le calendrier vaccinal 2017 cette deuxième dose doit être effectuée entre 16 et 18 mois. Deux vaccins associant les trois virus sont commercialisés en France, le Priorix de GSK (Glaxosmithkline, laboratoire britannique) et le M-M-RVAXPRO du laboratoire MSD (Merck Sharp & Dohme, laboratoire américain).
Depuis 2010, le vaccin contre le méningocoque du groupe C, une des multiples bactéries pouvant provoquer des méningites et des infections invasives est recommandé aussi chez le nourrisson à l’âge de 12 mois. Depuis janvier 2017 le HCSP (Haut Conseil de la santé publique) a souhaité ajouter une deuxième dose de ce vaccin à 5 mois. Le seul vaccin recommandé à cet effet et commercialisé en France est le Neisvac du laboratoire Pfizer.
Ainsi, depuis le début des années 2000, trois vaccins supplémentaires (hépatite B, pneumocoque, méningite à méningocoque C) ont été ajoutés au calendrier vaccinal pour la vaccination universelle des nourrissons. Cela représente au total 8 valences supplémentaires de vaccins entre 0 et 18 mois (3 contre l’hépatite, 3 contre le pneumocoque, 2 contre la méningite à méningocoque C).
Un quatrième vaccin oral, le vaccin contre le rotavirus destiné à combattre certaines gastro-entérites virales chez le nourrisson a, en outre, été recommandé. Mais le processus menant à la décision de remboursement du vaccin a été interrompu en mai 2015 en raison d’effets indésirables notifiés spontanément anormalement fréquents et graves et à un âge très précoce (invaginations intestinales, nécroses intestinales, décès…).
A l’occasion de sa publication sur le site medcritic, le texte adressé aux députés a été refondu et comprend désormais l’ensemble du développement argumentaire initial.
Médecins généralistes concernés
par le projet d’obligation vaccinale
pour les nourrissons.
15 octobre 2017
Lettre ouverte
aux députés contre le projet d’extension de l’obligation de vaccination des nourrissons
Mesdames et Messieurs les député(e)s :
Nous, médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article 34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire aux données de la science, aux droits des patients et aux principes du Droit en démocratie.
Parce que nous sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation vaccinale chez les nourrissons.
Nous ne nous situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse stérile et idéologique entre partisans et opposants à la vaccination en général.
Nous sommes simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu pour cause d’efficacité/inefficacité, voire de dangerosité. Mais nous souhaitions surtout réaffirmer que chaque vaccination s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des conditions de vie régnant dans la société et notamment des conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés, grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes de prévention primaire et de promotion de la santé.
Pour la première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour, considérant que la population était plus instruite que par le passé et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale2cf encadré, ci-dessous, les autorités n’ont pas jugé utile d’imposer de nouvelles obligations vaccinales.
L’obligation vaccinale est-elle efficace ?
Les recherches menées dans le cadre du projet ASSET, projet de recherche soutenu par l’Union européenne, démentent la corrélation entre obligation vaccinale et couverture vaccinale élevée. Car, alors que 15 pays européens sur 28 ont, comme la France, un système mixte où au moins un vaccin est obligatoire et les autres simplement recommandés, l’étude effectuée par le projet ASSET d’après des données recueillies de 2007 à 2013 établit qu’il n’y a pas de corrélation entre l’obligation et le taux de couverture pour trois vaccins . Il s’agit des vaccins contre la rougeole, la coqueluche et la poliomyélite3Projet ASSET, Compulsory vaccination and rates of coverage immunization in Europe..
Par exemple, la Roumanie, la Bulgarie et la Lettonie ont une couverture plus faible que la moyenne de l’UE pour la coqueluche, bien que ce vaccin y soit obligatoire.
Réciproquement, on peut observer que au sein d’un pays comme l’Italie, la région de Vénétie, a souhaité, depuis 2007, se soustraire à l’obligation vaccinale nationale pour les vaccins contre la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos et l’hépatite b. Ceci n’empêche pas cette région d’afficher un taux de couverture pour ces vaccins équivalent à celui des régions où l’obligation a été maintenue4https://www.epicentro.iss.it/vaccini/dati_Ita#tetano.
Les raisons de l’obligation
Madame la ministre des solidarités et de la santé indique que l’obligation vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.
Elle déclare fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la défiance de la population française à l’égard des vaccins qui se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des nourrissons.
Une défiance injustifiée ?
Les chiffres
Le baromètre INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, dissout en 2016) 2014 publié en 2015, se félicitait de l’amélioration de la confiance des Français dans la vaccination expliquant que désormais 80% des Français avaient confiance dans les vaccins5INPES, près de 80% des Français sont favorables à la vaccination, 2015.. Il constatait que les réticences limitant la couverture vaccinale concernaient deux vaccins : celui contre la grippe, celui contre le papillomavirus.
Un autre vaccin, le vaccin contre l’hépatite B, fait, lui aussi l’objet de réticences. Seul ce dernier parmi les trois cités est inclus dans le calendrier de vaccination pour la vaccination universelle du nourrisson et devrait devenir obligatoire. Pour autant, nous verrons plus loin que cette défiance sélective ne nuit pas à l’acceptation de cette vaccination.
La population française n’est, donc, pas fondamentalement méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes d’opinion.
Mais un infléchissement de la confiance est survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces dernières années dont les autorités alors en place portent l’entière responsabilité.
La grippe H1N1
Le premier est le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en 2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud6La grippe, Les faits, l’analyse, les remèdes, Revue Pratiques, qui a mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire » (mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques évidents de contamination.
Cet épisode représente un double échec : celui de l’expertise scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens. Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée par cette succession d’erreurs.
Pénuries de vaccins
L’autre épisode ayant déterminé une perte de confiance s’est produit depuis que la pénurie des vaccins recommandés est devenue un phénomène durable, c’est-à-dire depuis 20157https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/06/05/de-la-penurie-a-la-controverse-le-point-sur-la-vaccination-en-france_4648288_4355770.html.
Des vaccins, pourtant recommandés par les autorités pour la vaccination des nourrissons ou des enfants, sont régulièrement introuvables dans les pharmacies. Les gouvernements successifs n’ont pris aucune mesure de nature à éviter la pérennisation de ces pénuries récurrentes.
Le public s’est alors agacé à juste titre de la passivité du gouvernement face aux laboratoires pharmaceutiques qui faisait peser sur lui des contraintes pratiques. Les parents étaient tenus, sous peine de se le voir reprocher ou d’être sanctionnés en cas de manquement, de faire faire des vaccins dont le gouvernement était incapable de garantir la disponibilité.
Certains parents avaient saisi le Conseil d’Etat en raison de l’indisponibilité permanente des vaccins obligatoires, vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, qui ne sont disponibles en pharmacie que associés à d’autres vaccins. Dans une décision datant de février 2017 concernant les obligations vaccinales, le conseil d’Etat a donné raison aux parents mécontents en enjoignant au gouvernement de prendre, vis-à-vis des laboratoires, les mesures contraignantes nécessaires pour rendre disponibles les vaccins obligatoires8Décision du Conseil d’Etat N° 397151 du 8 février 2017 « 6. Or, en vertu des articles L. 5121-31 et L. 5121-32 du code de la santé publique, les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments doivent élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des pénuries pour les vaccins dont la liste est fixée par le ministre chargé de la santé. Ils doivent, sous le contrôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, prendre pour ces vaccins, au même titre que pour les autres médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, les solutions permettant de faire face aux risques de rupture de stock. Et les pouvoirs publics disposent du pouvoir de sanctionner les laboratoires et entreprises ne respectant pas ces obligations légales. De plus, en vertu de l’article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle, le ministre chargé de la santé peut, dans l’intérêt de la santé publique, demander au ministre chargé de la propriété intellectuelle de soumettre par arrêté le brevet délivré pour un médicament au régime de la licence d’office au bénéfice d’un établissement pharmaceutique, ou au bénéfice, désormais, de l’Agence nationale de la santé publique en vertu des dispositions de l’article L. 3135-1, laquelle a repris les compétences sur ce point de l’ancien Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, afin d’assurer sa mise à disposition en quantité suffisante. Enfin, en vertu des mêmes dispositions, cet établissement peut, dans l’intérêt de la santé publique et à la demande du ministre chargé de la santé, procéder notamment à l’acquisition, la fabrication, l’importation et la distribution de médicaments pour faire face à leur commercialisation ou production insuffisante. ».
Le Conseil d’Etat a ainsi montré que le gouvernement dispose d’un arsenal légal lui permettant de sanctionner les laboratoires en cas d’indisponibilité des vaccins ou de se substituer à eux, qu’il a toujours refusé d’utiliser.
Ces mesures contraignantes n’ont toujours pas été prises et l’obligation vaccinale pour les nourrissons semble bien venir compenser le manque de volonté gouvernementale d’imposer des contraintes aux laboratoires pharmaceutiques.
Ainsi, l’impression se dégage qu’il existe deux poids deux mesures.
Les vaccins sont suffisamment indispensables pour imposer l’obligation de vaccination aux parents et leur ôter ainsi toute liberté de choix. Mais lorsque les laboratoires pharmaceutiques, obéissant à des stratégies commerciales qui leur sont propres, ne les fournissent plus, le personnel politique n’envisage aucune contrainte ni sanction.
Nous avons décrit les raisons principales de l’infléchissement de la confiance dans notre lettre. Néanmoins, il y en a d’autres.
Politisation et conflits d’intérêts
“La vaccination ça ce ne se discute pas!”
On se souvient de cette phrase de la ministre de la santé, Marisol Touraine, en mai 2015, en réponse à la pétition montante du Pr Joyeux qui dénonçait déjà la pénurie du vaccin DTP (diphtérie-tétanos-poliomyélite).
La démission avec fracas de Thomas Dietrich, un haut cadre du ministère de la santé en février 2016 est-elle une conséquence de ce propos et de l’attitude qu’il suppose? Thomas Dietrich, qui fut président de la Conférence nationale de santé chargée d’organiser le débat sur les vaccins explique la décision de sa démission, entre autres, par le constat d’une obstruction de la part de sa hiérarchie à l’organisation d’un débat indépendant sur la vaccination9rapport: “Démocratie en santé, les illusions perdues”, rapport.
En lieu et place de cette instance sanitaire démocratique, la ministre nomme un groupe d’experts dits “indépendants” pour mener une concertation citoyenne sur la vaccination qui a rendu ses conclusions fin 2016.
Dans un article contrastant avec sa mesure habituelle, l’association Formindep étrille l’exercice :
“… L’un des moteurs de la défiance envers les vaccins est le fait que les recommandations vaccinales soient édictées de façon non transparente, et fréquemment grevées de conflits d’intérêts. Pour répondre à cette critique, légitime dans une démocratie, il faut des institutions irréprochables dans leur transparence et leur indépendance. Ce n’est hélas pas le cas de cette commission, constituée de membres ayant pour beaucoup des liens d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique, pour certains à un degré suffisant pour les écarter de l’expertise sanitaire publique, selon les termes de la loi.
…
la commission n’abordera jamais cette question de l’élaboration scientifique des recommandations vaccinales. Plus généralement, le verbatim des auditions indique que cette concertation n’a jamais vraiment dépassé le niveau scientifique d’une discussion mondaine. Le lecteur attentif qui y cherchera des chiffres, des études, une bibliographie, restera sur sa faim. Le processus fait en revanche la part belle à des témoignages personnels, des approximations, voire des erreurs factuelles, dans une médiocrité généralisée.
…
…
Cette concertation était censément un exercice citoyen, et plus de 10 000 citoyens y ont cru et ont apporté leur contribution sur le site. Ces apports ont été tout simplement ignorés.
…
Ainsi sur la question sensible de l’obligation vaccinale, les deux rapports des professionnels et des citoyens préconisent d’en sortir.
…
Le jury des professionnels de santé propose en conséquence de « sortir de l’obligation vaccinale » et de ne la réserver qu’à des situations de crise ponctuelle ou des catégories professionnelles à risques.
Le rapporteur a ici clairement trahi son mandat en substituant à l’avis du public et des deux jurys un avis diamétralement opposé, à savoir l’avis personnel du président, qu’il exprime dès les premières séances de travail et qui ne semble pas tenir davantage compte des apports des auditions ou de la teneur des débats.”
En plus des nouvelles obligations vaccinales le gouvernement met en place de nouvelles instances et procédures qui politisent la prise de décision. En effet la nouvelle Commission technique des vaccinations, créée en mars 2017 avec un mandat de trois ans et désormais rattachée à la HAS (Haute Autorité de Santé) serait saisie exclusivement par la Ministre de la santé pour recommander d’autres vaccins ou, éventuellement, les rendre obligatoires.
Autrement, lorsque l’Etat, les institutions et les agences ne garantissent pas l’indépendance des experts et des commissions émettant des avis, la population se tourne vers d’autres sources d’information en cherchant des réponses sur le rapport bénéfice-risque des vaccins, sans être pour autant fondamentalement opposée, pour la majorité de ceux qu’on appelle « les hésitants », au principe de la vaccination.
Or, la composition de la nouvelle Commission technique de vaccination, rattachée à la HAS, qui a pour présidente le Pr Elisabeth Bouvet, n’est pas de nature à renforcer la confiance.
En effet, il faut savoir que quatre laboratoires seulement détiennent la totalité du marché des vaccins utilisés pour la vaccination universelle du nourrisson de l’enfant et de l’adolescent en France. Il s’agit des laboratoires Sanofi, GSK, Pfizer et MSD.
On peut trouver sur le site de la HAS, deux déclarations publiques d’intérêts du Pr Bouvier où elle déclare avoir perçu environ 20 000 euros de rémunération de la part de divers laboratoires entre 2014 et 2017, mais les chiffres varient d’une déclaration à l’autre (1, 2). Mais elle déclare aussi qu’un organisme qu’elle préside, le GERES, groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants, a perçu 500 000 euros en 2012 de la part de divers organismes privés dont les quatre laboratoires dominant le marché des vaccins en France. Sa déclaration sur le site de la HAS apparaît très incomplète au regard des données accessibles sur le site de la base transparence santé où on peut voir qu’entre 2012 et 2016, Mme Bouvet a reçu 47 avantages et signé 26 conventions avec des laboratoires pharmaceutiques, et notamment les quatre précédemment mentionnés.
Pas de fumée sans feu
La perte de confiance est loin d’être injustifiée et n’est pas survenue sans raison. Elle a toujours été réactionnelle à des comportements critiquables des autorités.
La plupart des parents ne sont pas des anti-vaccinalistes. L’anti-vaccinalisme reste un phénomène marginal en France, qui concerne une petite minorité d’individus.
En revanche un nombre croissant de parents veulent comprendre les tenants et aboutissants de chaque vaccin et pouvoir exercer leur faculté de choix de manière éclairée.
La couverture vaccinale en déclin?
La vaccination universelle des nourrissons pour le vaccin contre l’hépatite B est recommandée depuis 2006. La « défiance » invoquée pour justifier la mise en place de l’obligation n’a pourtant pas empêché que la couverture vaccinale pour ce vaccin augmente de 45% entre 2008 et 2015. Elle est ainsi passée de 45% à 90,7%, comme on peut le constater sur le site de l’INVS10INVS, Santé publique France, données couverture vaccinale pour l’hépatite B.
Sur ce même site on peut également constater que, au cours des années 2000, alors que plusieurs nouveaux vaccins étaient introduits dans le calendrier vaccinal pour la vaccination universelle des nourrissons et adolescents (vaccins contre le pneumocoque, contre l’hépatite B, contre la méningite à méningocoque C, contre le papillomavirus pour les adolescentes) la couverture vaccinale des nourrissons augmentait constamment pour tous les vaccins du calendrier vaccinal, recommandés ou obligatoires11INVS, Santé publique France, données de couverture vaccinale par vaccin.
En tant que citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les Français ont le droit d’exiger des informations précises, claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions précipitées et à une interprétation maximaliste de la concertation sur les vaccins.
A plusieurs reprises dans les médias Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les nourrissons jusqu’à 2015 (dernières statistiques connues), illustrant ainsi l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de fondements solides à sa décision.
Quel bénéfice pour la santé publique?
Troisième argument employé par le gouvernement pour soutenir l’obligation vaccinale, c’est le bénéfice apporté à la population en terme de santé publique par ces nouveaux vaccins obligatoires. Mais, quel est-il factuellement?
Infections à prévention vaccinale et mortalité infantile
Les maladies à prévention vaccinale sont-elles aujourd’hui des priorités de santé publique?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il y a en France environ 3000 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de définir la mortalité infantile, et autour de 4500 décès au total chez les moins de 15 ans. Voici les principales causes de mortalité selon l’ INPES (chiffres de 2008) :
En excluant les infections périnatales (enfants de moins de 7 jours et donc, non concernés par la vaccination), les maladies infectieuses représentent seulement 1.7% de la mortalité infantile en 2008 (53 cas). En gardant à l’esprit que cette catégorie ne regroupe pas uniquement des maladies à prévention vaccinale.
On peut donc estimer que 99% de ces décès ne sont pas évitables par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires.
Même dans l’hypothèse irréaliste d’une couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100 % stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1% des décès survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes accidentelles représentent 8 à 9% de la mortalité des moins de 15 ans et 25% des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.
Alors, si l’on souhaite réellement améliorer l’état sanitaire de la population infantile, ne serait-il pas préférable de se pencher sur ces dernières causes, ou encore sur la question de la mortalité périnatale, domaine où la France est mal classée au niveau européen?
Comment évaluer les bénéfices de “LA” vaccination?
Les vaccins sont un outil de santé publique parmi d’autres.
Ils représentent un coût et peuvent apporter des bénéfices. Mais ces coûts et ces bénéfices doivent être mis en regard de ceux d’autres outils de santé publique dans le cadre d’une approche globale des priorités sanitaires.
Plus précisément, c’est, à minima, le rapport bénéfice-risque favorable de CHAQUE vaccin qui doit être démontré, et la stabilité de ce rapport favorable dans le temps, puisque la vaccination universelle s’inscrit dans le long terme.
Ceci doit être démontré pour chaque vaccin concerné et on ne peut pas arguer des bénéfices de la vaccination en général pour imposer un groupe de vaccins. C’est un non-sens à la fois sur le plan scientifique et de la santé publique.
Le rapport bénéfice-risque d’un vaccin dépend d’abord des objectifs de santé publique qu’on se fixe. Cela dépend donc de nombreux facteurs, dont la fréquence et la gravité de la maladie dans le groupe d’âge ciblé par le vaccin, mais aussi de l’ impact du vaccin au-delà de la population visée. Cela dépend aussi de l’efficacité réelle du vaccin sur la maladie, de la durée de protection conférée par le vaccin, de la stabilité de l’ action du vaccin dans le temps…
Mais, même en tenant compte de ces facteurs les bénéfices du vaccin doivent être pondérés par les effets indésirables, en particulier les effets indésirables graves constatés et attribuables au vaccin.
Au-delà des effets indésirables, les vaccins peuvent aussi avoir des inconvénients qui contrebalancent leur intérêt pour la santé publique (cf exemple de la vaccination contre le rotavirus).
Tous les vaccins ne sont pas assimilables au vaccin contre la rougeole, constamment cité en exemple à l’occasion de cette campagne visant à imposer l’obligation vaccinale. Pour un certain nombre de vaccins visés par l’obligation, leurs bénéfices n’augmentent pas automatiquement avec l’augmentation de la couverture vaccinale.
Dans le cadre d’une obligation vaccinale, qui comporte des contraintes lourdes pour la population, il ne suffit pas de supposer que le rapport bénéfice-risque d’un vaccin est favorable mais il s’agit de démontrer que le rapport bénéfice-risque de chaque vaccin représente un enjeu majeur de santé publique, et également un bénéfice indiscutable pour les enfants vaccinés, à qui cet acte, comme tout acte médical, fait courir des risques.
Ensuite, il s’agit de montrer que les sanctions envisagées, telle le refus de scolarisation, sont en rapport avec un risque conséquent pour la santé publique, par exemple en cas d’entrée en collectivité d’un enfant non vacciné contre la maladie visée par l’obligation.
Autrement dit il s’agit de montrer que les contraintes imposées à la population sont proportionnelles aux risques de santé publique encourus.
Sur quoi se fonde la stratégie vaccinale en France ?
En outre, la décision de l’extension de l’obligation vaccinale ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa mission n’était pas de déterminer des priorités de santé publique.
Le HCSP devait décider si le rapport bénéfice-risque de chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance partielle des risques.
Ces recommandations comportent donc une part importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas compte du contexte global de santé publique.
Les décisions concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit de définir des priorités en favorisant les actions de santé publique les plus coûts-efficaces.
Rapport bénéfice-risque
Comment est évaluée la balance bénéfice risque des vaccins?
Il faut savoir que lors de leur arrivée sur le marché, l’efficacité réelle des vaccins sur le terrain est rarement démontrée.
Les vaccins bénéficient depuis la fin des années 90 de procédures accélérées de mise sur le marché, ce qui signifie que les laboratoires pharmaceutiques bénéficient de procédures allégées et écourtées pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché.
Ces laboratoires conçoivent et mènent eux-mêmes les essais cliniques et ont la possibilité de négocier avec les agences comme la Food and Drug Administration aux Etats-Unis ou l’Agence Européenne du Médicament en Europe les critères d’efficacité qui vont leur permettre d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché.
Du fait de ces procédures accélérées, les essais cliniques sont souvent de courte durée, de un à deux ans et ne permettent pas d’évaluer la stabilité de l’action du vaccin dans le temps.
Il faut savoir également que ces essais ne sont pas conçus pour mettre en évidence les effets indésirables graves peu fréquents, qui peuvent néanmoins s’avérer plus fréquents que les bénéfices attendus du vaccin.
En fonction des cas, les essais cliniques peuvent évaluer l’effet à court terme du vaccin non sur la maladie elle-même mais sur ce qu’on appelle des critères intermédiaires, qu’on suppose avoir un lien avec la maladie. C’est le cas pour les vaccins multivalents, c’est-à-dire des vaccins comme le vaccins hexavalent, contenant six valences vaccinales différentes. Dans ces cas, l’évaluation de l’efficacité des vaccins se fonde sur l’élévation ponctuelle des anticorps (seroconversion) qui est assimilée à l’efficacité réelle du vaccin sur le terrain.
Fiabilité des études : pourquoi n’évalue-t-on pas l’efficacité des vaccins directement sur la maladie ?
Souvent parce que les maladies visées sont trop rares dans les pays à hauts revenus et que cela demanderait de constituer et de suivre des groupes de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’individus pour être en capacité de détecter une différence statistiquement significative entre les deux groupes, vaccinés et non vaccinés.
LA vaccination ou DES vaccins ?
Y a-t-il un modèle unique pour la vaccination ou les vaccins doivent-ils être évalués un par un ?
C’est le modèle du vaccin contre la rougeole qui est constamment mis en avant dans le discours des autorités pour justifier l’obligation vaccinale. Pour ce vaccin la réduction de la fréquence de la maladie est proportionnelle à la couverture vaccinale.
On invoque ainsi souvent « l’immunité de groupe », théorie mise au point par Hedrich dans les années 30, justement en observant les épidémies de rougeole et en notant que les épidémies ne se produisaient que lorsque la proportion d’individus immunisés par la maladie était inférieure à un certain seuil.
Par la suite, cette théorie de l’immunité de groupe a été interprétée comme la possibilité d’éliminer une maladie en empêchant l’agent infectieux de circuler dans une population. Ceci pouvait donc être réalisé si une certaine proportion de cette population était immunisée. L’agent infectieux ne circulant plus la maladie devait donc s’éteindre et être éliminée. Les individus non vaccinés seraient ainsi protégés indirectement par les individus vaccinés.
Dans le cadre de cette théorie des modèles mathématiques établissent, pour chaque maladie, des seuils minimaux de couverture vaccinale à atteindre pour que la maladie soit éliminée. Ces seuils dépendent notamment de la contagiosité de la maladie. Et il est vrai que, dans le cas de la rougeole, le nombre de cas symptomatiques et le risque d’épidémies et de complications diminuent lorsque la proportion des individus vaccinés augmente.
Mais le cas de la rougeole n’est pas la règle mais plutôt une exception parmi les maladies à prévention vaccinale.
Par exemple, contrairement à huit vaccins sur les onze visés par l’obligation, le vaccin contre la rougeole, comme ceux contre les oreillons et la rubéole avec lesquels ce vaccin est administré sous la forme du vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole, est un vaccin à virus vivant atténué. Il est donc destiné à provoquer une véritable infection mais de virulence moindre que l’infection à virus sauvage, de telle sorte que celle-ci ne provoque pas de symptômes dans 95% des cas environ. Ces vaccins à virus vivant atténué ont d’ailleurs une autre caractéristique, celle de ne pas nécessiter l’adjonction d’adjuvants.
On voit que l’immunité de groupe, présente plusieurs aspects : protection indirecte des individus non vaccinés par les individus vaccinés et, au-delà d’un certain seuil de couverture vaccinale, variable selon les vaccins, perspective d’élimination de la maladie en empêchant la circulation de l’agent infectieux.
Mais la rougeole présente une configuration qu’on peut qualifier d’idéale et, pour d’autres maladies, le concept d’immunité de groupe ne peut pas fonctionner si un ensemble de conditions ne sont pas remplies.
Pour qu’une perspective d’élimination de la maladie existe il faut que l’agent infectieux n’ait pas d’autre réservoir que l’Homme et ne circule pas dans d’autres espèces ce qui est donc le cas pour la rougeole. Si l’agent infectieux est transmis autrement que de personne à personne on ne peut pas espérer éliminer la maladie. Si la transmission de personne à personne n’existe pas on ne peut pas obtenir de protection indirecte et la protection ne peut être qu’individuelle. C’est le cas pour le tétanos transmis à partir de la terre (réservoir de la bactérie clostridium tétani tellurique).
Pour que la fréquence de la maladie diminue en proportion de l’augmentation de la couverture vaccinale il faut que la pression de sélection exercée par la vaccination ne modifie pas l’agent infectieux au point de le rendre résistant au vaccin. Face à un vaccin vivant, le virus de la rougeole s’est montré génétiquement stable. Pour qu’un bénéfice de santé publique existe il ne faut pas que l’agent infectieux visé soit remplacé par un autre de virulence égale ou supérieure occupant la même niche écologique.
Cette liste de conditions n’est pas exhaustive, mais permet de remettre en question la théorie qui voudrait réduire l’ensemble des vaccins à un même modèle où les bénéfices apportés par une vaccination universelle seraient simples, constants et proportionnels à la couverture vaccinale.
Focus sur 3 vaccins
Dans une deuxième partie consacrée, nous présentons l’exemple de trois vaccins (hépatite B, méningocoque C, pneumocoque) faisant partie du groupe des huit vaccins que la nouvelle loi rendrait obligatoires, qui ne remplissent pas les conditions pour représenter un apport de santé publique justifiant l’obligation et les sanctions lourdes imposées aux parents.
On peut ainsi noter que certains concernent des maladies qui font déjà l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B ne représentent aucun risque pour les autres enfants.
Pour d’autres vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la population générale. Cette vaccination est donc préconisée non pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens, d’une éradication possible de cette maladie rare.
Pour d’autres vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre (vaccin contre le pneumocoque).
Alternatives à la vaccination universelle?
Lorsque la vaccination universelle ne présente pas une utilité évidente, une alternative bien connue est la vaccination ciblée des groupes à risque. Elle permet d’optimiser le rapport bénéfice-risque en ne vaccinant que les personnes qui ont le plus de risques de contracter la maladie et en évitant aux autres de subir les effets indésirables alors qu’un bénéfice faible ou nul est attendu.
C’est une stratégie de contrôle de la maladie qui permet souvent d’en diminuer la fréquence sans l’éliminer mais aussi de diminuer les coûts et les effets indésirables de la vaccination. Or, plusieurs vaccins visés par l’obligation présentent un rapport coût efficacité défavorable. Et ces évaluations médico-économiques ne tiennent compte que du prix du vaccin et ne prennent pas en compte les coûts spécifiques comme les consultations spécifiques nécessaires, le financement des centres de vaccination et la promotion des vaccins par les agences publiques.
Il faut aussi noter que la charge de l’indemnisation en relation avec les effets indésirables reviendra intégralement à l’Etat, donc au contribuable, en cas d’obligation.
La vaccination ciblée devrait toujours s’appliquer quand la vaccination universelle n’est pas adaptée à l’élimination de la maladie.
Autrement, des mesures de prévention non spécifiques, comme la réduction du tabagisme et de l’exposition passive au tabac, pouvaient probablement avoir un impact très favorable sur certaines formes graves d’infections bactériennes visées par la vaccination (pneumocoque).
Il faut rappeler qu’il y a en France 73 000 décès attribuables au tabac et 49 000 décès attribuables à l’alcool et que la France est mal classée au sein de l’OCDE pour la mortalité prématurée due à ces fléaux. L’épidémie d’obésité continue sa progression, par ailleurs, dans les couches défavorisées de la population et chez les adultes.
On peut envisager que, dans une période de restriction budgétaire dont on n’aperçoit pas la fin, les fonds destinés à la prévention pourraient être mieux utilisés que sur des interventions ayant un mauvais rapport coût efficacité, bénéfice-risque et une portée très limitée en termes de santé publique.
Privation d’un droit fondamental
Pour chacun des onze vaccins concernés par cette mesure, les parents vont être privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège, lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à l’éducation.
Or, comment justifier de faire peser de telles contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation groupée, inexistants ou infinitésimaux ?
On peut faire les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation, marginaux ou très discutables.
Les sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables moralement et éthiquement mais surtout, la privation de la liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la question de la proportionnalité des contraintes. Cette proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en assurant que la puissance publique ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics ».
Une décision assimilable à un abus de pouvoir
En conclusion on peut dire, que contrairement aux arguments utilisés pour justifier l’extension de l’obligation vaccinale à 11 vaccins, il n’y a pas, en France, de réduction nette de la couverture vaccinale des nourrissons mais seulement la crainte d’une réduction de cette couverture.
En effet, une défiance paraissant légitime a été engendrée par la gestion politique du dossier. On a souhaité faire passer ce projet d’obligation comme émanant d’un souhait de la population, tout en ne prenant aucune décision contraignante à l’égard de l’industrie responsable de pénuries de vaccins.
L’obligation vaccinale ne garantit pas une augmentation de la couverture vaccinale et aucun bénéfice de santé publique significatif ne peut être espéré pour certains de vaccins concernés par l’extension de l’obligation.
D’autre part, le coût des vaccins n’a cessé d’augmenter pendant ces dernières années . Le DTP (diphétrie tétanos polio) retiré du marché par le laboratoire Sanofi en 2008, coûtait 6,73 euros. Le Prevenar, introduit au début des années 2000, coûtait 63 euros la dose. Le Gardasil, introduit en 2007, coûtait 135 euros la dose.
Ces coûts, auxquels il faut ajouter les coûts logistiques, de promotion des vaccins, celui des consultations et des effets indésirables, non pris en compte dans les évaluations médico-économiques, représentent une charge importante en période de restriction budgétaire alors que ces fonds pourraient être mieux utilisés au bénéfice de la santé publique pour la lutte contre les maladies non transmissibles et la prévention de l’importante mortalité prématurée.
Sans compter qu’en cas d’obligation l’indemnisation des effets indésirables serait totalement à la charge de l’Etat.
Tandis que les mouvements anti-vaccinalistes contestent le principe même de la vaccination et expriment des craintes excessives, la majorité des parents sont favorables à la vaccination malgré la défiance générée par les erreurs récurrentes des autorités. Mais une part croissante du public exprime, en effet, le désir de comprendre le rapport bénéfice-risque des vaccins afin de pouvoir faire des choix éclairés, en particulier pour leurs enfants.
Un tel désir de comprendre est naturel dans une population éduquée et il ne peut pas être censuré ou sanctionné par des obligations vaccinales arbitraires pour lesquelles les manquements seraient punis par des peines de prison ou la privation du droit fondamental d’accéder aux services publics et à la scolarisation pour les enfants.
A l’aune de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccins concernés et qu’elle le fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs, démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des enfants, et l’amélioration de la santé publique.
L’affaire Levothyrox est également là pour confirmer que le manque d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à des incompréhensions, des souffrances, des non-dits, et des rumeurs. Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur traitement au risque de mettre leur santé en péril.
Madame la ministre des solidarités et de la santé a placé cette obligation sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).
Il nous semble donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l’état, sans que les réelles conditions d’un débat démocratique aient été instaurées.
Nous contestons la légitimité de cette mesure d’obligation « en bloc » pour huit vaccins supplémentaires et mettons en cause la proportionnalité des sanctions infligées aux parents par rapport aux objectifs de santé publique qu’on peut espérer pouvoir atteindre par cette mesure.
Nous vous demandons donc de ne pas voter cette mesure et de demander que l’obligation puisse être examinée par les parlementaires vaccin par vaccin, et en s’appuyant sur une expertise indépendante.
Signataires
Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste ;
Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste ; Dr Christian Lehmann, médecin généraliste ;
Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste ; Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste ;
Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste ; Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste ;
Se sont associés :
Dr Dominique Loubet ; Dr Isabelle Chivilo ; Dr Armel Sevestre ; Dr Florence Baltazart ; Dr Alain Siary ; Dr Frédéric Schnee ;
Extrait de la pétition lancée sur change.org fin 2017,
50 médecins parmi les 400 premiers signataires :
Jean-Pierre Ohnet | 2017-10-19 | |
Sébastien HELOU | 64990 | 2017-10-20 |
Nicolas Prince | 74700 | 2017-10-18 |
asmaa bouterfas | 24700 | 2017-10-20 |
thierry asquier | 6700 | 2017-10-20 |
Isabelle Legrand | 91600 | 2017-10-19 |
Damien BARRAUD | 54000 | 2017-10-18 |
Michel ARNOULD | 77150 | 2017-10-18 |
Philippe Grunberg | 93220 | 2017-10-18 |
Rau Julien | 38100 | 2017-10-18 |
Favre Jonathan | 59800 | 2017-10-18 |
maryem kettani | 2017-10-19 | |
Christine Maynié-François | 2017-10-19 | |
Michel Prudhomme | 75010 | 2017-10-19 |
Severine Broli | 29720 | 2017-10-20 |
Karen Zurli | 83600 | 2017-10-20 |
Dr Arnaud Chabardès | 31420 | 2017-10-20 |
bernard barbaroux | 6140 | 2017-10-20 |
Anna MOLLARD | 31400 | 2017-10-20 |
ANNE BLANDINO-PAULIN | 82130 | 2017-10-20 |
Dr Benoit Otton | 74130 | 2017-10-20 |
Gaëlle Pasco | 33150 | 2017-10-20 |
Baptiste LUACES | 47130 | 2017-10-20 |
Lucas Maleville | 65000 | 2017-10-20 |
Maurice Campargue | 31290 | 2017-10-20 |
Virginie Malka | 78670 | 2017-10-20 |
Simon Malaterre | 2017-10-20 | |
lucie calu | 28000 | 2017-10-20 |
Jean-Charles Stamminger | 91640 | 2017-10-20 |
Joachim BARAKAMFITIYE | 2017-10-20 | |
Christine Boisselier-Daré | 76000 | 2017-10-19 |
Dominique Auger | 91130 | 2017-10-19 |
DOMINIQUE HARRIAGUE | 64600 | 2017-10-19 |
Thomas Cartier | 75001 | 2017-10-19 |
fred chautard | 81140 | 2017-10-18 |
Alexandre GAILLARD | 38100 | 2017-10-19 |
Bernard BECEL | 2017-10-19 | |
Philippe Roux | 32130 | 2017-10-20 |
brigitte tregouet | 85000 | 2017-10-18 |
Fabienne Poirier | 35000 | 2017-10-18 |
Bastien Feuga | 33150 | 2017-10-20 |
Karina SCETBON | 2017-10-19 | |
Lucas Beurton-Couraud | 29200 | 2017-10-19 |
Aller plus loin
- Vaccins obligatoires : ces médecins généralistes qui s’y opposent, Paris Match, 20/11/2017
- L’obligation de vaccination risque d’être contre-productive, position du Collège National des Généralistes Enseignants – Le Monde, 13/07/2017 – version complète
- Vaccinations obligatoires, le débat confisqué, Le Monde Diplomatique, janvier 2018
- Démocratie en santé : les illusions perdues, Thomas Dietrich, 19/02/2016, p14
- Ça pique ! Bande dessinée, Docteur Alice, 21/09/2017
- Faut-il faire vacciner son enfant? Virginie Belle, participation de Claudina Michal-Teitelbaum, Ed Max Milo, 2012
Partie II : 3 vaccins à la loupe
Trois exemples de vaccins faisant partie du groupe des huit vaccins que la nouvelle loi rendrait obligatoires, qui ne remplissent pas les conditions pour représenter un apport de santé publique justifiant l’obligation et les sanctions lourdes imposées aux parents :
Vaccin contre la méningite à méningocoque C, l’hépatite B et le pneumocoque.
Ces trois exemples sont développés dans la 2e partie de la lettre ouverte
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