France métropolitaine
Sur le long terme
Quand on regarde l’évolution de la mortalité sur le long terme, la pandémie de Covid-19 est à peine perceptible :
Même chose en décomposant, depuis 2000, les décès quotidiens par grand groupe d’âge. On pourrait penser que les choses ont suivi un cours déterminé par le vieillissement de la population, l’accident le plus visible demeurant la canicule de 2003.
L’année 2020
Il ne s’est donc rien passé depuis mars 2020? Tout serait donc normal?
Pas tout à fait ; les personnes âgées de plus de 70 ans ont été touchées par la pandémie, et même assez durement selon les régions.
Cela est visible sur la pyramide des décès ; il y a plus de décès qu’ “attendu” après 70 ans, surtout chez les hommes.
Le vieillissement des classes du babyboom, plus nombreuses que les générations précédentes, fait que le nombre de décès est en augmentation puisqu’elles arrivent à des âges de forte mortalité. On peut voir ce phénomène en faisant dérouler les années sur la pyramide interactive sur le site de l’Insee :
Voici, pour la France métropolitaine, la décomposition des décès entre effet “vieillissement” et ce qui ne l’est pas, ou “conditions de mortalité” (lesquelles peuvent aller dans un sens comme dans l’autre : progrès médicaux, ou épidémie : grippe, covid, ou canicule) :
Il y a donc eu des conditions de mortalité particulières en 2020, le vieillissement de la population explique 12 000 à 18 000 décès par an ces dernières années.
En éliminant les effets de la structure par âge et par sexe de la population, c’est-à-dire en calculant le taux de mortalité standardisé1Le taux de mortalité standardisé est le taux de mortalité d’une population présentant une distribution standard par âge. des 65 ans et plus, on peut voir l’effet du covid (ici, on a pris comme population de référence la population moyenne des années 2009 à 2011) :
Ainsi, 42 personnes de 65 ans et plus sur mille sont décédées en 2020. Si la population était restée la même que durant les années 2009-2011, ce taux serait de 39 ‰.
En 2020, il y a eu environ 64 500 décès de plus par rapport à la moyenne 2015-2019 en France métropolitaine, soit une hausse de 11%. Pour 2021, jusqu’à la Pentecôte (S20), on a déjà 24 800 décès supplémentaires.
Décomposé en grands groupes d’âge, on constate certes une augmentation du nombre de décès après 65 ans, mais cela reste comparable à d’autres “accidents” du passé.
Les taux bruts de mortalité2En démographie, le taux de mortalité (ou taux brut de mortalité) est le rapport entre le nombre annuel de décès et la population totale moyenne sur une période et dans un territoire donné. permettent de relativiser encore davantage : la mortalité en 2020 rejoint les niveaux de 2005 pour les 80 ans et plus, et de début des années 2010 pour les 65-79 ans :
Lieu de décès
La plupart des décès ont lieu à l’hôpital, suivi du logement et de la maison de retraite. Dans ces trois lieux, on constate une hausse pour 2020.
Quand on regarde en détail la surmortalité en 2020 par rapport à la moyenne 2015-19 par lieu de décès, on voit bien les vagues du printemps et de l’automne, surtout dans les maisons de retraite :
2021 fin de la crise sanitaire?
La première vague, qui va des semaines 10 à 19, a été courte et violente. La seconde vague, qui va de la semaine 42 à la semaine 8 de 2021, est plus longue. enfin, la troisième, des semaines 10 à 22, est moins forte que les précédentes.
Seuls les moins de 50 ans n’ont pas connu de surmortalité. Les niveaux de surmortalité diminuent en fonction de l’âge.
Pour 2021, jusqu’à la semaine 20, certaines régions atteignent des niveaux de surmortalité assez importants :
Par région
Les régions qui ont été les plus touchées par la crise sanitaire depuis mars 2020 sont situées à l’est et au nord de la France.
Ont surtout été touchés le Grand Est et l’Île-de-France, puis la région Auvergne-Rhône-Alpes lors de la deuxième vague.
Île-de-France
Cette région a connu une première vague très violente, avec des semaines à 4500 décès au lieu de 1500 habituellement. La deuxième puis la troisième vagues ont été moins meurtrières
Lors de la première vague, les 50-64 ans ont connu une surmortalité que l’on ne retrouve pas dans les autres régions.
Ce qui est également notable, c’est le nombre de décès très élevé dans les maisons de retraite franciliennes : 7 fois plus que d’habitude (2015 à 2019), contre 3 à 3,5 fois plus pour le Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. La différence de surmortalité avec les personnes âgées de 80 ans et plus est très grande.
Au final, le vieillissement de la population n’explique qu’une petite partie des décès supplémentaires, qui ont été très nombreux dans la région :
Grand Est
Première région touchée, le Grand Est a également connu une première vague très violente
La première vague a touché les plus âgés, et dans une moindre mesure les 65-79 ans, qui ont eux cependant connu une troisième vague, contrairement aux personnes les plus âgées.
Là aussi, les décès supplémentaires sont loin d’être tous attribuables au vieillissement :
Auvergne-Rhône-Alpes
La région ARA se distingue des précédentes par le fait qu’elle a connu une deuxième vague plus violente que la première.
Là aussi, cela touche les personnes les plus âgées :
Ce qui se voit dans l’excès de décès en maison de retraite (jusqu’à trois fois plus de décès qu’en 2015-19 certaines semaines fin 2020) :
Les décès supplémentaires s’expliquent là aussi davantage par les circonstances que par le vieillissement de la population :
Départements les plus touchés
La Seine-Saint-Denis est le département ayant la surmortalité la plus élevée ; 25% de plus en 2020 que lors des années 2015 à 2019. Contrairement à d’autres, ce département a eu une surmortalité en hôpital plus élevée qu’en maison de retraite, ainsi qu’une surmortalité touchant des personnes relativement jeunes.
Pays de naissance
Les personnes nées à l’étranger sont décédées en plus grand nombre que celles nées en France ou dans le reste de l’Europe, surtout lorsqu’elles étaient nées en Afrique ou en Asie :
On note une augmentation nette de décès de personnes nées en Algérie, Maroc, Tunisie ou Portugal…
Il semble que dans certaines populations, les décès soient survenus à un âge plus précoce, comme chez les personnes nées en Asie :
Les effectifs sont trop faibles pour faire une analyse par région.
Pour conclure
Nous pouvons dire que, comparé aux dernières années, le nombre de décès durant la pandémie est élevé, mais qu’il ne l’est pas tant que ça si on observe les choses sur un temps long. Et pour certains indicateurs, il suffit de remonter entre 5 et 15 ans en arrière pour retrouver les mêmes niveaux de mortalité.
Le niveau de mortalité est aussi très hétérogène et varie selon l’âge et l’état de santé à un âge avancé : la mortalité est plus élevée chez les personnes âgées, et en particulier dans la population des personnes âgées fragiles moins autonomes résidant en maison de retraite. Il semble y avoir des facteurs géographiques, car la mortalité se concentre particulièrement dans certaines régions, ainsi que des facteurs sociaux, car les immigrés récents ont connu une mortalité plus importante et à des âges plus précoces que la population née en Europe et en France.
On peut donc dire que les facteurs de vulnérabilité face à cette pandémie sont, pour l’ensemble de la population, surtout liés à l’âge, et en deuxième lieu à l’état de santé, pour laquelle la catégorie socio-professionnelle et le pays de naissance sont déterminants.
Il y a eu une atténuation dans le temps de l’importance des vagues successives sur l’ensemble du territoire et dans la plupart des régions, ce qu’on peut attribuer, au moins en partie, à la progression de l’immunité naturelle sur ces territoires.
Pour en savoir plus
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1 comment
Bonjour. Super graphiques, bravo. Par contre si on raisonne sur une année civile (janv-déc), on cumule 2 épisodes saisonniers pour 2020. Il vaudrait mieux raisonner sur une année glissante (août-juillet), comme on le fait depuis toujours pour mesurer l’impact des affections respiratoires hivernales. Car ce sont bien les mêmes populations qui meurent du covid.