La vaccination des enfants contre le Covid19, 2e partie
Risque de décès en cas d’infection et âge
L’âge est le principal facteur de risque, nous verrons plus loin ce que cela veut dire, le plus fortement associé à la gravité de l’infection par le SARSCoV2. Ainsi, parmi les personnes dont le décès est attribué au Covid en France, près de 95% ont plus de 60 ans alors que cette tranche d’âge ne représente que 27% de la population.
L’insititut Pasteur avait montré dans une modélisation effectuée en avril 2020 qu’en cas d’infection une personne de plus de 80 ans aurait, en moyenne, 8300 fois plus de risque de décéder qu’une personne de moins de 20 ans. Ce risque est appelé IFR pour infection fatality rate. Le risque de décès en cas d’infection des moins de 20 ans était aussi 500 fois inférieur au risque moyen dans l’ensemble de la population. D’autres études ont confirmé ces estimations.
Qu’est-ce qui se passerait si on envisageait une population homogène où chacune des huit tranches d’âge était composée de 100 000 personnes et que ces 800 000 personnes étaient toutes infectées? Dans ce cas il y aurait un décès chez les moins de 20 ans et les plus de 80 ans représenteraient, avec 8300 décès, près des ¾ des décès totaux. En réalité, en France, les plus de 80 ans représentent environ 50% des décès. Cette différence par rapport à une population très homogène s’explique car le nombre de personnes de plus de 80 ans est plus faible que celui des autres tranches d’âge et que les plus âgés ont été moins exposés aux infections par le SARSCoV2.
Ceci est un calcul théorique mais une étude s’est intéressée au risque de décès par tranches d’âge dans une population en évaluant le taux d’infection d’après la séroprévalence et la mortalité spécifique par âge dans 45 pays. Elle a trouvé que les enfants de 5 à 9 ans avaient le risque le plus faible de décès en cas d’infection.
C’est logique parce qu’il y a, parmi les enfants de moins de un an notamment, beaucoup d’enfants fragiles d’une part en raison de leur très jeune âge, mais aussi en raison de pathologies génétiques et congénitales. Ces facteurs expliquent aussi le fait que les enfants décèdent en plus grand nombre avant un an qu’aux âges supérieurs. On appelle mortalité infantile la mortalité avant l’âge de un an.
Si on regarde les décès Covid réellement survenus en France, on trouve aussi des différences très importantes, du même ordre de grandeur que celles trouvées lors de la modélisation.
23 enfants et adolescents âgés de moins de 20 ans sont décédés en 18 mois d’épidémie. Ces décès comprennent un décès dû au PIMS. Cela représente un taux de 1,43 par million de personnes dans cette tranche d’âge et 2 pour 10 000 décès Covid ont eu lieu dans cette tranche d’âge.
En avril 2021, une modélisation tentant d’estimer le pourcentage des personnes infectées en France montrait que la part des personnes déjà infectées serait deux fois moins importante chez les personnes âgées de plus de 60 ans par rapport aux plus jeunes.
Ainsi, bien que les moins de 20 soient deux fois plus nombreux à avoir été infectés par le SARSCoV2 que les plus de 60 ans, bien qu’ils n’aient pas été vaccinés ou tardivement, le taux de mortalité (pour 100 000) des plus de 60 ans en 18 mois d’épidémie est 4346 fois supérieur à celui des moins de 20 ans.
Cette différence de mortalité liée à l’âge est plus importante que pour d’autres maladies infectieuses courantes, y compris la grippe.
Comparaisons internationales de la mortalité
John Ioannidis, professeur de médecine spécialisé en méta-science à l’université de Standford, aux Etats-Unis, a comparé plusieurs pays pour le taux de mortalité (par million) pour les moins de 20 ans dans cet article.
Les taux présentés sont calculés par million d’enfants ou adultes dans la population totale pour chaque âge (partie inférieure du tableau). Comme on le voit, la France n’est pas incluse mais on peut calculer ces taux facilement lorsqu’on connaît le nombre de décès et la population pour cet âge et en supposant que les modes de comptage soient comparables.
Comme nous l’avons vu ce taux est de 1,43 par million. Donc, comparativement à la plupart des pays européens cités un taux 2 à 3 fois inférieur. En effet, les inégalités, les comorbidités qui y sont liées, l’accès aux soins, jouent un rôle majeur dans la létalité des pathologies infectieuses.
Comment interpréter les statistiques?
La primo-infection par le SARSCoV2, définie comme la première infection due à ce virus peut se traduire par, pour simplifier, trois formes cliniques de sévérité croissante. Une forme sans symptômes ou avec des symptômes très légers, on parle alors d’infection asymptomatique (pas de symptômes) et paucisymptomatique (des symptômes très légers) . Il s’agira alors de formes légères. Une revue de la littérature établit que 42% des enfants infectés par les Covid sont asymptomatiques, une proportion deux fois supérieure à celle des adultes.
Des formes symptomatiques avec des symptômes plus marqués, plus nombreux ou plus durables mais ne nécessitant pas d’hospitalisation. On parlera alors de formes modérées. Et enfin, des formes nécessitant une hospitalisation en service conventionnel, en réanimation (formes dites “critiques”), voire pouvant mener au décès. Ce sont les formes sévères.
Ces catégorisations peuvent varier et sont en partie artificielles car il n’y pas de définition universelle, standardisée, des formes cliniques et tout le monde n’est pas d’accord selon les études, par exemple, sur la distinction entre une infection asymptomatique, pré-symptomatique et paucisymptomatique ou pour savoir ce qui définit une infection sévère. D’autre part, une hospitalisation peut être décidée ou recommandée selon des critères liées à la personne et pas uniquement à ses symptômes. Pour la même symptomatologie on hospitalisera plus facilement une personne avec des comorbidités, jugée fragile. La décision d’hospitaliser peut aussi varier, selon la saturation du service hospitalier selon les pratiques des services et les cultures.
Le décès, en revanche, est ce que l’on peut appeler un critère dur en ce sens que le décès lui-même n’est pas sujet à interprétation. En revanche, la cause du décès, elle, est sujette à interprétation et est d’une interprétation complexe.
Pour les besoins des statistiques des décès on va retenir une seule cause appelée cause initiale de décès mais il y a, en réalité, presque toujours plusieurs causes contributives.
Le codage mené par les services dédiés qui définissent cette « cause initiale » celle qui va être retenue pour une personne donnée dans les statistiques, dépend aussi de la qualité des certificats de décès.
La déclaration des décès, leur codage, tout cela prend du temps, généralement plusieurs années pour avoir des statistiques fiables sur l’ensemble des décès. Or, dans l’urgence, on a eu tendance à comptabiliser comme décès Covid par défaut tous les décès avec un test Covid positif. Dans un deuxième temps des décès ont été retirés des statistiques au fur et à mesures que le codage des causes de décès avait lieu, mais on les trouve encore dans les tableaux sur le service Géodes.
Lors d’un point presse de Santé publique France fin juin, Daniel Levy Bruhl, épidémiologiste, indiquait que la majorité des enfants décédés avaient des pathologies chroniques graves et que un seul parmi ces décès avait pour seule cause possible le Covid. Cela veut dire que d’autres pathologies intercurrentes avaient contribué au décès pour les autres enfants.
Comparaison avec la grippe et la varicelle
Comme on l’a vu précédemment, les hospitalisation attribuées au Covid sont sujettes à interprétation. La question à se poser est : qu’est-ce qui est déclaré en tant qu’hospitalisation pour Covid pédiatrique ? Si les enfants hospitalisés sont testés systématiquement et que les professionnels de santé déclarent comme hospitalisation Covid un enfant qui ne présente pas de symptômes spécifiques mais qui est hospitalisé pour une fracture, par exemple, et qui présente un test PCR positif, cela fausse les statistiques des hospitalisations attribuées au Covid. De même l’infection par le Covid peut être acquise à l’occasion d’une hospitalisation et non en être la cause.
Des études menées aux Etats-Unis, en Suède, en Allemagne, ont montré que des hospitalisations dues à d’autres causes étaient comptabilisées comme étant dues au Covid. Dans l’étude américaine, ces hospitalisations dites « incidentes » représentaient 40% des hospitalisations attribuées au Covid.
Bien qu’on ne dispose pas de chiffres fiables sur le nombre total d’infections par le SARSCoV2 dans la population générale et chez les enfants, on peut estimer qu’entre un tiers et les deux tiers des enfants et adolescents ont déjà été infectés par le SARSCoV2. Les populations des 0-9 ans et des 10-19 ans étant respectivement de 7,75 millions et de 8,33 millions. Cela veut dire qu’entre 5,36 et 10,72 millions des moins de 20 ans sur un total de 16,08 millions auraient déjà été infectés. Le risque moyen de décès en cas d’infection (IFR ou infection fatality rate) se situerait donc approximativement entre 1 pour 250 000 et 1 pour 500 000 enfants infectés pour les 0-19 ans. Ce risque moyen sera en réalité bien plus faible chez les enfants sans facteurs de risque.
En réalité calculer une moyenne n’a pas beaucoup de sens dès lors que ce risque sera extrêmement différent entre la très grande majorité des enfants en très bonne ou assez bonne santé et ceux souffrant de pathologies chroniques graves .
Pour en savoir plus sur la mortalité en France pendant l’épidémie de Covid.
Il faut donc être attentifs à ce biais avant de tirer des conclusions quant au risque d’hospitalisation pour les enfants.
En supposant que cette distinction a été faite en France, on doit prendre en compte les 7659 hospitalisations d’enfants et adolescents de 0-19 ans qui ont eu lieu depuis le début de l’épidémie, soit en 84 semaines.
Il faut alors remarquer que ces 7659 hospitalisations représentent 1,4% des 542 000 hospitalisations Covid qui ont eu lieu pendant cette période jusqu’à fin septembre 2021.
Si on estime que entre un tiers et les deux tiers des sujets de cet âge ont déjà été infectés cela fait un risque d’hospitalisation en cas de primo-infection par le SARSCoV2 de 0,7 à 1,4 pour 1 000 dans cette tranche d’âge.
Cela est très cohérent avec le taux estimé par l’Institut Pasteur de 1 pour 1000 infections à cet âge.
Il y a chaque année 2 millions d’enfants qui sont hospitalisés en pédiatrie en France. Les hospitalisations pour Covid représentent donc une très petite part de ces hospitalisations. Et il faut remarquer que, comme il y a beaucoup d’hospitalisations, il est très facile de surestimer les hospitalisations pédiatriques pour Covid si on comptabilise tous les enfants testés positifs pendant leur séjour comme des hospitalisations “à cause du Covid”.
Le total des hospitalisations pour Covid, si on les ramène à l’année (52 semaines sur 84), ce qui fait 4740 hospitalisations, n’est guère différent des hospitalisations annuelles lors des épidémies de grippe bien que ces épidémies soient saisonnières et ne durent que 6 à 16 semaines. Lors d’une épidémie de grippe le nombre de cas pour l’ensemble de la population est de 2 à 6 millions selon Santé Publique France.
Entre 2012 et 2017, le nombre d’hospitalisation chez les moins de vingt ans pour grippe a varié entre 2829 et 7521. Le nombre de décès, quant à lui, s’est situé entre 13 et 36.
On ne sait pas quelle proportion des moins de 20 ans sont infectés à l’occasion des épidémies de grippe hivernales, mais il est probable que leur nombre soit bien inférieur à celui des enfants et adolescents infectés lors de la première année de circulation du SARSCoV2 car nous avons vu qu’en 18 mois au moins 5 millions de jeunes de moins de 20 ans ont été infectés par le Covid. Lors d’une épidémie de grippe saisonnière, une partie des jeunes ont déjà été infectés lors des épidémies des années précédentes, et sont protégés contre une nouvelle infection contrairement à ce qui se passe lors de l’apparition d’un virus totalement nouveau .
On peut en déduire que si moins de jeunes sont infectés lors des épidémies de grippe et que le nombre d’hospitalisations et décès est le même que lors d’une année de circulation du SARSCoV2, le taux d’hospitalisation et de décès chez les moins de 20 ans est inférieur pour une primo-infection par le SARSCoV2 par rapport à celui de la grippe.
Pour la varicelle, autre maladie épidémique annuelle, nous avons 700 000 primo-infections chaque année d’après Santé Publique France, 90% chez les enfants de moins de 10 ans, dont 3000 nécessitent une hospitalisation soit 4 pour 1000.
Il est donc logique de conclure que le taux d’hospitalisation et de décès pour une primo-infection par le SARSCoV2 pour les moins de 20 ans est inférieur à celui d’une épidémie de grippe ou de varicelle .
Le syndrome inflammatoire multisystémique
On a repéré ce syndrome (acronyme PIMS ou MIS-C) assez tôt dans l’épidémie puisque le premier cas a été observé en février aux Etats-Unis. Il fait partie des conséquences à court terme de l’infection et les hospitalisations dues à ce syndrome sont comptabilisées parmi les 7659 hospitalisations pour Covid dans cette tranche d’âge.
Il s’agit d’une vascularite (inflammation des vaisseaux), fébrile, pouvant affecter tous les organes et en partie semblable à d’autres syndromes inflammatoires connus comme la maladie de Kawasaki .
En France, une enquête avait été lancée le 28 avril 2020 auprès des pédiatres hospitaliers, par Santé publique France pour collecter les cas et en comprendre les caractéristiques et leurs liens éventuels avec le Covid.
Diverses études ont permis de dégager des caractéristiques propres du PIMS qui le distinguent de la maladie de Kawasaki. Le PIMS commence dans les 4 à 6 semaines après une infection par le Covid chez des enfants en moyenne plus âgés que ceux touchés par la maladie de Kawasaki et l’atteinte cardiaque est plus fréquente.
Le signe majeur est une fièvre élevée persistante, résistant au paracétamol accompagnée d’une fatigue intense et souvent aussi de signes digestifs évoquant une gastro-entérite. Il faut noter que des signes digestifs à type de diarrhée et/ou vomissements accompagnés d’une fièvre élevée doivent toujours amener à consulter dans un service d’urgences pédiatriques.
On ne connaît bien ni les mécanismes de cette pathologie ni les facteurs de risque. L’obésité a été évoquée comme facteur de risque aux Etats-Unis et Grande Bretagne et les premiers rapports indiquaient une surréprésentation des enfants originaires d’ethnies défavorisées (Noirs et asiatiques) . Cette surréprésentation est encore plus marquée que pour les hospitalisations Covid qui ne sont pas dues à un PIMS.
Une étude multicentrique dont la majorité des enfants ont été recrutés au Canada permettait de mettre en évidence certaines caractéristiques.
L’âge médian des cas confirmés de PIMS était d’environ 7 ans comme en France. 1 sur 4 à 5 des enfants ayant un diagnostic confirmé ou possible avaient des comorbidités, mais cette proportion apparaît sous-estimée au regard d’autres études (voir plus bas) qui trouvent que les deux tiers des enfants hospitalisés pour PIMS présentent des comorbidités . Les enfants plus jeunes étaient moins susceptibles d’être hospitalisés en réanimation. La durée médiane de l’hospitalisation et de la fièvre étaient de 6 jours, et ces enfants sont dans un peu moins d’ un cas sur 2 hospitalisés en réanimation.
Mais on peut noter qu’aucun enfant n’est décédé lors de cette étude canadienne et qu’en France, alors que le dernier rapport de SPF du 26 août récence 640 cas dont 591 (81%) confirmés, le seul enfant décédé suite à ce syndrome est décédé en mai 2020 . D’autres études (voir plus bas) montrent qu’un enfant sur 10 environ hospitalisé avec un diagnostic de Covid est hospitalisé pour un PIMS mais plus d’un enfant sur 2 en réanimation.
Il faut remarquer qu’en France on note plutôt une diminution du nombre de cas PIMS concomitante de la propagation du variant delta ce qui peut faire penser que le variant delta provoquerait des infections moins sévères chez les enfants.
L’incidence cumulée fin août pour la population des moins de 18 ans pour les cas confirmés et suspectés est de 38,9 par million en France. Si l’on considère qu’entre un tiers et les deux tiers des enfants ont été infectés, on peut estimer le taux moyen de PIMS entre 58 et 117 par million d’enfants infectés ou 5,8 et 11,7 pour 100 000. Cela reste donc une complication très rare de la primo-infection par le SARSCoV2 .
Pas de vaccination systématique en Angleterre
Le risque d’hospitalisation, comme le risque de décès, n’est pas uniformément reparti parmi les enfants. Il existe ce qu’on appelle des facteurs de risque. Les facteurs de risque sont des éléments qu’on identifie comme augmentant un risque. Ici, un risque pour la santé. Les facteurs de risque pris en compte dans ce cas sont en particulier des problèmes de santé et pathologies chroniques ou comorbidités attachés à des individus dont on estime qu’ils vont augmenter le risque non d’infections mais de formes graves. Ceci pour une pathologie qui est jugée généralement bénigne à cet âge.
On estime qu’il s’agit d’un facteur de risque si un groupe présentant cette caractéristique est plus fréquemment représenté parmi les formes sévères qu’il ne l’est dans la population. Par exemple si on a 4% d’obèses parmi les jeunes en population mais qu’on en trouve 20% parmi les jeunes du même âge présentant des formes sévères de Covid, on effectuera un test statistique et si cette différence ne peut pas être due au seul hasard on en déduira que l’obésité est un facteur de risque. Cela implique qu’elle a un certain lien de cause à effet avec la sévérité de l’infection proportionnel à la force du lien statistique.
D’autres facteurs qui sont eux-mêmes liés à l’état de santé comme le niveau socio-économique, l’ethnie ou le pays de naissance ont également été reconnus comme des facteurs de risque.
Tous les facteurs de risque n’ont pas la même valeur. D’une part parce qu’il faut tenir compte du risque de base ou de départ et également parce qu’il faut tenir compte de l’importance du rôle causal du facteur de risque sur le critère examiné. Plus le rôle causal est fort plus le facteur de risque va augmenter le risque de base.
Si le risque de base, le risque des personnes n’ayant aucun facteur de risque est extrêmement faible, même en l’augmentant un peu il restera faible.
En fonction de ces facteurs de risque on définit des groupes à risque qui auront un risque plus élevé que le risque de base et que le risque moyen.
La modélisation de l’Institut Pasteur avait estimé le risque d’hospitalisation moyen en cas d’infection pour les moins de 20 ans à 1 pour 1000 et de 21,7% pour les plus de 80 ans (une personne infectée sur 5 hospitalisée).
Le tableau suivant, issu de la modélisation de l’Institut Pasteur estime le risque en pourcentage d’être hospitalisé si on est infecté et d’être hospitalisé en réanimation/soins intensifs si on est hospitalisé. NB : Les plus de 80 ans sont plus rarement hospitalisés en réanimation simplement parce que leur état général souvent dégradé les rend peu aptes à supporter les techniques très intrusives utilisées en réanimation et donc rend peu probable une issue favorable.
Or, le JVCI (Joint Committee on Vaccination and Immunization) britannique, , a décidé le 3 septembre de ne pas recommander la vaccination systématique des 12-15 ans, mais de réserver le vaccin aux groupes à risque dans cette classe d’âge, considérant que le rapport bénéfice-risque était trop incertain pour les adolescents ne présentant pas de comorbidités.
Le JCVI s’est également fondé sur le fait que, alors que les bénéfices estimés des vaccins en début de campagne vaccinale étaient à leur maximum, les risques associés à la vaccination n’allaient émerger que progressivement. Le rapport bénéfice-risque va donc devenir de moins en moins favorable avec le temps. Notons bien que dans son calcul du rapport bénéfice-risque le JCVI n’a pris en compte que les myocardites et que ce ne sont certainement pas les seuls effets indésirables des vaccins pouvant conduire à une hospitalisation ou un problème de santé grave. Nous verrons cela plus en détail dans la Partie V.
Le Green Book sur la vaccination britannique détaille les comorbidités considérées comme des facteurs de risque de Covid grave. La vaccination est recommandée pour ces groupes.
La plupart des pathologies inclues sont des pathologies congénitales graves, des maladies endocriniennes ou des pathologies ou syndromes génétiques. Le groupe le plus important considéré comme à risque sont les asthmatiques, qui représentent en France 10 à 15% des enfants et adolescents soit quelques 1,5 à 2,2 millions.
Toutefois le JCVI n’a souhaité inclure dans ses recommandations que ceux qui avaient un asthme non contrôlé défini par la nécessité de prendre des corticoïdes oraux au moins deux fois au cours des 24 derniers mois, ou le traitement de fond par corticoïdes oraux, ou au moins une hospitalisation due à une crise au cours des 24 derniers mois.
Une étude prospective parue en préprint le 26 septembre 2021, étude sur registres prospective menée en Pennsylvanie avec des groupes témoins asthmatiques sans Covid et non asthmatiques avec Covid, montre que les enfants asthmatiques avec Covid ont plus de risques d’être hospitalisés (il s’agit aussi plus souvent d’enfants obèses et d’ethnie Noire donc plus souvent de milieux défavorisés) mais que les asthmatiques hospitalisés n’ont pas plus de risques que les enfants non asthmatiques d’évoluer vers des formes critiques nécessitant une ventilation assistée. L’issue d’une hospitalisation est donc la même que pour les enfants non asthmatiques.
Le JCVI s’est aussi fondé, pour prendre sa décision de vaccination élective des adolescents à risque sur d’excellentes études épidémiologiques réalisées en Grande-Bretagne telle que celle de Ward et coll.
Cette étude compare les hospitalisations lors de la première année d’épidémie dues au SARSCoV2 aux hospitalisations pendant d’autres années et à celles dues à l’épidémie de grippe en 2019-20. Pendant cette période de un an 7050 enfants et adolescentes de 0 à 17 ans ont été hospitalisés avec un diagnostic de Covid. L’étude compare aussi les facteurs de risque associés et conclue que le risque global (risque annuel d’hospitalisation) n’est pas supérieur à celui de la grippe et que le risque d’hospitalisation pour les enfants sans facteurs de risque est moindre que celui de la grippe. Les facteurs de risque associés à une hospitalisation sont les mêmes que pour l’épidémie de grippe mais le Covid amplifie davantage le rôle de ces facteurs de risque. Réciproquement, cela signifie que les enfants et adolescents sans facteurs de risque, soit la grande majorité des enfants et adolescents, ont moins de risques d’être hospitalisés lors d’une primo-infection par le SARSCoV2 que lors d’une infection par le virus de la grippe.
Dans l’étude, les 2/3 des enfants hospitalisés pour PIMS présentent une comorbidité.
Le risque d’aggravation est très différent selon le motif d’hospitalisation et la présence ou non de comorbidités et de pathologies potentiellement mortelles. Ainsi, parmi les 2953 enfants hospitalisés pour Covid sans comorbidités (46% des enfants hospitalisés pour Covid) seuls 0,8% vont connaître une aggravation aller en réanimation. A l’autre extrême, 71,4% des 147 enfants hospitalisés pour PIMS et qui présentaient une pathologie potentiellement mortelle seront admis en réanimation. Le risque d’aggravation lors d’une hospitalisation est donc fortement lié aux comorbidités.
Environ une hospitalisation pédiatrique sur deux en réanimation est due à un PIMS. Parmi les PIMS, il y a 60% d’enfants non blancs qui représentent environ 20% de la population de cet âge. Le risque d’avoir un PIMS pour les enfants d’ethnies moins favorisées est donc trois fois supérieur à celui des enfants blancs.
Globalement, si on estime, d’après les chiffres et sur la base d’une hospitalisation de un pour mille que quelques 7 millions d’enfants ont été infectés en un an, c’est à dire environ la moitié des enfants dans ces tranches d’âge, le risque moyen d’hospitalisation pour les enfants sans comorbidités serait de l’ordre de 1 pour 2000. Et le risque moyen d’admission en réanimation d’environ 1 pour 250 000 enfants infectés . C’est approximativement ce qui a été estimé par le JCVI.
Parmi les facteurs de risque analysés, le risque d’aggravation et d’admission en réanimation semble particulièrement augmenté pour les enfants épileptiques (environ 300 000 en France). Mais il faut se rappeler que le risque de base ou de référence est celui d’un enfant sans comorbidités soit de un pour 250 000 pour une admission en réanimation. Cela signifie que même multiplié par 10 ou 20 le risque reste faible.
Par exemple si le risque d’admission en réanimation est de un pour 25 000, cela signifierait que 12 enfants épileptiques sur 300 000 finiraient pas être admis en réanimation une fois que tous les enfants épileptiques auront été infectés.
Que retenir ?
- L’infection asymptomatique représente 42% des infections chez les enfants et les adolescents, une proportion deux fois plus élevée que chez les adultes.
- Le risque d’hospitalisation, de formes très graves nécessitant une admission en soins intensifs ou réanimation ou de décès liés au Covid est très fortement lié à l’âge qui représente le principal facteur de risque pour la primo-infection par le SARSCoV2. Le risque estimé théorique mais aussi le risque réel de décès est entre 4000 et 8000 fois supérieur en cas d’infection chez une personne de plus de 60 ans par rapport au risque moyen d’une personne de moins de 20 ans.
- En 18 mois d’épidémie et alors que entre un tiers et les 2/3 des moins de 20 ans ont été infectés soit quelques 8 millions d’enfants et adolescents, 23 décès attribués au Covid ont été retenus. Dans la quasi-totalité de ces décès le Covid était une cause contributive mais pas la cause unique car les enfants décédés souffraient d’autres pathologies.
- Le risque d’hospitalisation chez l’enfant pour Covid est très faible comparé aux autres maladies courantes de l’enfance et représente une part réduite des hospitalisations, moins de 1% par rapport à l’ensemble des hospitalisations pédiatriques annuelles en période non pandémique
- Le taux moyen d’hospitalisation et de décès en cas d’infection, incluant les PIMS est moindre chez les moins de 20 ans pour la primo-infection par le SARSCoV2 que le taux moyen pour la grippe ou la varicelle. Le taux moyen d’hospitalisation en cas d’infection serait de l’ordre de un pour 1000 mais plus faible, de un pour 2000 pour les enfants sans comorbidités. Le risque annuel d’hospitalisation pour grippe est supérieur au risque d’hospitalisation pendant la première année de la pandémie pour cette tranche d’âge.
- Le PIMS représente plus de la moitié des hospitalisations Covid en réanimation. On ne connaît pas les mécanismes du PIMS mais on constate dans les études anglo-saxonnes que le PIMS est fortement associé à l’appartenance aux ethnies défavorisées.
- L’origine ethnique et le niveau socio-économique de la famille constituent un facteur de risque d’hospitalisation et de PIMS, soulignant ainsi le rôle joué par inégalités dans la gravité de la pandémie pour les enfants aussi bien que pour les adultes.
- Dans les comparaisons internationales concernant les décès chez les moins de 20 ans, la France semble mieux placée que la plupart des pays équivalents, probablement en raison d’inégalités moindres et d’un accès aux soins plus facile.
- Les comorbidités qui aggravent le risque d’hospitalisation et d’admission en réanimation sont les mêmes que pour les épidémies saisonnières annuelles mais leur rôle est amplifié pour la primo-infection par le SARSCoV2 et donc, réciproquement, le risque de formes graves pour les enfants sans comorbidités est bien inférieur à celui rencontré lors des épidémies saisonnière.
- Beaucoup des comorbidités qui sont des facteurs de risque de formes graves sont congénitales. On trouve parmi ces comorbidités l’asthme, l’épilepsie, le diabète, la drépanocytose, la trisomie 21, les cardiopathies, les maladies rénales chroniques, les déficits intellectuels sévères et maladies neurologiques, l’asplénie , l’immunosuppression.
- L’asthme constitue un facteur de risque d’hospitalisation mais pas d’aggravation lors d’une hospitalisation ni d’admission en réanimation. Un enfant asthmatique hospitalisé n’a pas plus de risque d’aggravation qu’un enfant sans comorbidités.
- Le risque d’hospitalisation en réanimation en cas d’infection pour les enfants sans comorbidités semble très faible de l’ordre de 1 pour 250 000 infections. C’est en prenant pour référence ce risque très faible qu’il faut évaluer l’augmentation du risque d’admission pour les enfants avec des facteurs de risque.
- Il y a eu 23 décès d’enfants et adolescents de moins de 20 ans en France attribués au Covid depuis le début de l’épidémie et on peut estimer le risque moyen de décès à 1 pour 250 000 à 1 pour 500 000 jeunes infectés. Mais il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une moyenne et que ce risque est beaucoup plus faible chez les enfants sans comorbidités car la quasi totalité des enfants décédés présentaient d’autres pathologies. Ces 23 décès représentent 2 pour 10 000 parmi l’ensemble des décès attribués au Covid en France.
- Le JCVI britannique a choisi de ne recommander la vaccination que pour les groupes à risque chez les 12-15 ans estimant que la marge entre les bénéfices et les risques, évalués en fonction des seuls cas de myocardite, était trop faible. D’autres risques peuvent émerger avec le temps, tandis que l’efficacité vaccinale évaluée lors d’essais cliniques très courts risquait de décroître.
Il est important d’avoir une estimation assez précise des risques d’une infection par le SARSCoV2 par groupes d’âge et par groupe à risque dans un groupe d’âge parce que ces risques vont représenter le bénéfice maximal qu’on puisse attendre d’une vaccination pour chaque groupe. Ce bénéfice ne se concrétisera que dans la durée, au fur et à mesure que les personnes seront infectées. Cela peut prendre plusieurs années. Lé bénéfice d’un vaccin par rapport à un critère donné, par exemple le décès, ne peut, en réalité, qu’être inférieur au risque car les vaccins ne sont pas efficaces à 100% et que leur efficacité diminue dans le temps, plus ou moins rapidement.
Dans la partie suivante nous allons nous intéresser aux conséquences à plus long terme de la primo-infection par le SARSCoV2 pour les enfants et adolescents.
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